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Problème de succession : quel est le tribunal compétent ?

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La succession commence au moment du décès d’une personne. L’article 720 du Code civil dispose, en effet : « les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt ». Bien que succincte, cette disposition nous éclaire sur plusieurs points intéressant le sujet de la compétence.

Tout d’abord, l’élément déclencheur de la succession est le décès, une question aurait pu se poser s’agissant des donations-partage, qui permettent de répartir, avant le décès du de cujus, son patrimoine.

Mais il ne s’agit pas pleinement d’une succession. Cette disposition nous apprend, ensuite, que la succession s’ouvre au dernier domicile du défunt. Cela permet d’en déduire une compétence territoriale : le tribunal territorialement compétent sera celui du ressort dans lequel le de cujus est décédé.

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Cette disposition nous permet, enfin, de préciser la détermination du patrimoine. En effet, si la succession s’ouvre au décès, c’est au moment du décès que sera fixé le patrimoine à répartir et donc la quotité disponible (en ce sens : Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 23 octobre 1990, 89-13.999, publié au bulletin).

Il faut cependant préciser que le Code civil permet à toute personne de disposer, de son vivant, afin de préparer sa succession et le partage de son patrimoine. L’article 967 du Code civil disposant : « toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre d’institution d’héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté ».

Cela est rappelé par un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux du 21 février 2023.

Toutefois, de nombreux conflits et litiges peuvent émerger au cours de la succession. Ces litiges peuvent provenir de différentes situations : désaccord sur l’évaluation des biens, désaccord sur la division des lots, sentiment d’être lésé, etc. Tous ces conflits devront être réglés afin de clôturer la succession, et le recours à une formation de jugement peut apparaître nécessaire. Se pose alors la question du tribunal compétent en matière de litige successoral ?

La loi successorale permet de déterminer les causes d’ouverture de la succession. À cet égard, l’article 720 du Code civil dispose que la succession s’ouvre par la mort. La solution est reprise dans la plupart des législations nationales.

Les biens personnels du défunt et ses droits dans la communauté (pour l’exploitant marié sous ce régime) constituent l’actif successoral. Ces biens sont dévolus selon les dispositions de la loi (succession ab intestat) et selon les dispositions prises par le défunt (succession testamentaire) sous réserve, dans ce dernier cas, des règles particulières destinées à assurer la protection des héritiers réservataires, qui sont d’ordre public.

Toutefois, le tribunal compétent pourra être amené à se prononcer sur de nombreux conflits et litiges qui pourraient émerger au cours de la succession. Il pourra s’agir d’une succession bloquée du fait d’un litige entre héritiers ou entre les héritiers et le conjoint survivant.

Il peut en être également d’un litige entre les héritiers et le légataire. Ces derniers contestant le testament du de cujus. Ce peut être le cas aussi d’une indivision successorale, car entre indivisaires vous êtes en désaccord, etc. Il pourra également s’agir d’une violation de la réserve héréditaire de l’article 912 du Code civil.

Depuis une loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice), les tribunaux d’instance et de grande instance ont été remaniés et fondus dans l’institution du tribunal judiciaire. Des chambres de proximité ont également été créées. Le tribunal de justice bénéficie, comme auparavant le tribunal de grande instance, de compétences matérielles listées par l’article R211-3-26 du Code de l’Organisation judiciaire (COJ).

Parmi ces compétences matérielles figure « les successions ». Cette compétence matérielle fonde une compétence exclusive de toute autre formation. Seul le tribunal judiciaire sera donc compétent en matière de succession. Le tribunal statuera en dernier ressort pour les contestations dont le montant évalué ne dépasse pas les 5000 euros. C’est-à-dire qu’aucun appel ne pourra être envisagé.

Il faut également préciser que la réforme du 23 mars 2019 a réaffirmé le nécessaire recours à une procédure précontentieuse amiable.

L’article 750-1 du Code de Procédure civile (CPC), modifié par l’alinéa 1 du décret n° 2023-357 du 11 mai 2023, dispose, en effet : « (…) à peine d’irrecevabilité que le juge peut prononcer d’office, la demande en justice est précédée, au choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice, d’une tentative de médiation ou d’une tentative de procédure participative, lorsqu’elle tend au paiement d’une somme n’excédant pas 5 000 euros ou lorsqu’elle est relative à l’une des actions mentionnées aux articles R. 211-3-4 et R. 211-3-8 du code de l’organisation judiciaire ou à un trouble anormal de voisinage.

Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :

1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ;

2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ;

3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste, soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement, soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à trois mois à compter de la saisine d’un conciliateur ; le demandeur justifie par tout moyen de la saisine et de ses suites ;

4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ;

5° Si le créancier a vainement engagé une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances, conformément à l’article L. 125-1 du code des procédures civiles d’exécution. ».

Les parties sont dispensées de l’obligation mentionnée au premier alinéa dans les cas suivants :1° Si l’une des parties au moins sollicite l’homologation d’un accord ; 2° Lorsque l’exercice d’un recours préalable est imposé auprès de l’auteur de la décision ; 3° Si l’absence de recours à l’un des modes de résolution amiable mentionnés au premier alinéa est justifiée par un motif légitime tenant soit à l’urgence manifeste soit aux circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement soit à l’indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l’organisation de la première réunion de conciliation dans un délai manifestement excessif au regard de la nature et des enjeux du litige ; 4° Si le juge ou l’autorité administrative doit, en application d’une disposition particulière, procéder à une tentative préalable de conciliation ».

Le Président du tribunal judiciaire pourra, en matière de succession, prescrire des mesures urgentes dans le cadre d’une indivision (Code civil, articles 815-6 et 815-7). L’article 815-5-1 du Code civil, modifié par la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, prévoit notamment que l’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal judiciaire est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut.

Il convient toutefois de souligner, avant de se prononcer sur la compétence du tribunal, l’importance du notaire dans la succession.

I. Problème de succession: l’importance du notaire

L’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat définit le notaire comme un officier public établi « pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère dauthenticité attaché aux actes de lautorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions » (Ordonnance n° 45-2590, 2 novembre 1945).

Le notaire est titulaire d’un office qui lui est conféré à vie par l’autorité publique et pour lequel il a le droit de présenter un successeur.

Dés l’ouverture d’un testament, le rôle du notaire est d’en faire communication à tous les héritiers, de donner connaissance des passages concernant les légataires et d’informer l’exécuteur testamentaire de sa mission.

Le notaire peut également jouer un rôle important dans le recueil des dernières volontés du de cujus. En effet, il est le seul à pouvoir délivrer un testament authentique, qui jouit d’une grande force probante. L’article 972 dispose ainsi : « le testament par acte public est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins ».

Au cours de la succession, le notaire joue un rôle d’une grande importance. Celui-ci va en effet émettre différents actes indispensables à son bon déroulement tels que l’acte de notoriété, l’attestation immobilière, ou encore la déclaration de succession. Il peut également procéder à l’évaluation des biens qu’il est nécessaire de partager. Il faut toutefois souligner qu’en cas de désaccord sur cette évaluation, le juge du tribunal judiciaire peut mandater un expert.

II. Problème de succession : la compétence du tribunal judiciaire

Afin de régler des problèmes liés à une succession, il peut apparaître nécessaire de saisir une juridiction. La compétence du tribunal est donc extrêmement importante. À défaut de saisie de la bonne juridiction, une fin de non-recevoir pourra ainsi être prononcée.

S’agissant de la compétence matérielle, l’article R211-3-26 du COJ fonde la compétence du tribunal judiciaire en matière de succession. S’agissant de la compétence territoriale, l’article 720 du Code civil, susmentionné, prévoit que le tribunal compétent est celui du ressort du domicile du défunt, c’est-à-dire, du domicile ou le de cujus avait, à son décès, sa résidence habituelle. Il pourra s’agir d’une maison de retraite ou d’un établissement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Depuis la réforme du 23 mars 2019, il n’y a plus lieu de différencier selon le montant du litige en cause. Précédemment, en effet, il était nécessaire de déterminer si le tribunal d’instance ou de grande instance était compétent, en fonction du montant du litige. Cela n’est plus le cas. Le tribunal judiciaire est exclusivement compétent.

Ces différents développements ne valent cependant que s’agissant d’une succession sans lien d’extranéité, c’est-à-dire sans qu’il n’existe de lien avec une législation internationale : présence d’un bien à l’étranger, nationalité non française, centre des intérêts économiques … Il peut cependant arriver, que la compétence française d’une juridiction soit remise en cause, par un des enfants, par un état ou un conjoint. De ce fait, les règles de détermination de la loi applicable devront être mises en œuvre.

S’agissant d’une succession internationale, il faut donc relever que : « afin de déterminer la résidence habituelle, l’autorité chargée de la succession doit procéder а une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’état concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence, la résidence habituelle ainsi déterminée devant révéler un lien étroit et stable avec l’état concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du Régl. (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juill. 2012 relatifs а la compétence; dans les cas où il s’avère complexe de déterminer la résidence habituelle du défunt, par exemple lorsque celui-ci vivait de façon alternée dans plusieurs états ou voyageait d’un état а un autre sans s’être installé de façon permanente dans un état, sa nationalité ou le lieu de situation de ses principaux biens pourrait constituer un critère particulier pour l’appréciation globale de toutes les circonstances de fait (en l’espèce, résidence habituelle du défunt à New York et incompétence des juridictions françaises alors que le défunt partageait son temps entre les États-Unis et la France, sans que la durée des séjours dans l’un ou l’autre pays puisse être déterminante pour la solution du litige, compte tenu de sa nationalité américaine et de la situation de l’ensemble de ses principaux biens aux États-Unis, critères particuliers retenus pour l’appréciation globale des circonstances de fait permettant de déterminer sa résidence habituelle) » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mai 2019, 18-13.383, publié au bulletin).

Dans un arrêt du 8 novembre 2023, la Cour d’appel de Paris rappelle l’article 720 du Code civil et précise que le dernier domicile du défunt, où s’ouvre la succession, détermine ainsi la juridiction compétente et la loi applicable aux biens mobiliers dépendants d’une succession. Le lieu du dernier domicile du défunt s’apprécie d’après la loi du for, c’est-à-dire d’après la loi française et les dispositions de l’article 102 du Code civil et s’entend, selon ce texte, du lieu du principal établissement.

La Cour d’appel de Paris considère que la défunte résidait principalement en Espagne. Elle estime que même si elle avait conservé son compte ouvert à l’origine en France et n’avait pas de relations avec ses enfants vivant en Espagne, la défunte avait abandonné ses intérêts en France et s’était organisée pour établir son domicile là où elle résidait la plus grande partie de l’année, son décès en France n’étant survenu que par suite d’événements malheureux totalement indépendants de sa volonté. Par conséquent, la Cour d’appel de Paris a confirmé le jugement en ce qu’il a dit que le juge français ne peut statuer s’agissant des biens mobiliers tant en Espagne qu’en France.

SOURCES :
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 23 octobre 1990, 89-13.999, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007024777/
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mai 2019, 18-13.383, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000038629401/
Cour d’appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 21 février 2023, n° 20/04637 : https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CABORDEAUX-21022023-20_04637?em=Cour%20d%27appel%20de%20bordeaux%2C%203%C3%A8me%20CHAMBRE%20FAMILLE%2C%2021%20f%C3%A9vrier%202023%2C%20%2020%2F04637
Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023, alinéa 1 : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000047538400/2023-05-13/#LEGIARTI000047538400
Article 750-1 du Code de Procédure Civile : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039501708/
Article 815-5-1 du Code civil :                       https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000039367468
Cour d’appel de Paris, Pôle 3 – Chambre 1, 8 novembre 2023, n° 21/19 302 : https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAPARIS-08112023-21_19302?em=Cour%20d%27appel%20de%20paris%2C%20P%C3%B4le%203%20-%20Chambre%201%2C%208%20novembre%202023%2C%20%2021%2F19302