Comment demander sa part d’héritage ?
Votre père ou votre mère vient de décéder ? Si vous êtes plusieurs héritiers, vous voilà propriétaire indivis de l’ensemble des biens qui composent sa succession. Seulement, il est rare que la liquidation d’une succession se réalise sans difficulté.
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Il n’est non seulement pas toujours aisé de savoir vers quel professionnel se tourner et quelles démarches accomplir pour entamer le processus de liquidation, mais vous pouvez surtout vous retrouver confronté à des situations conflictuelles : mésentente avec vos cohéritiers quant à la consistance des lots qui devraient vous revenir, désaccord sur l’estimation d’un bien, suspicion de détournement d’héritage, etc.
Parmi les modes d’acquisition de la propriété prévus au livre III du Code civil figure la succession ab intestat, laquelle s’ouvre si le défunt n’a pas disposé de ses biens par une libéralité (testament, donation de biens à venir entre époux, par exemple) ; son patrimoine est alors transmis aux successibles désignés par la loi, dans les conditions visées aux articles 721 à 758-6 du Code civil.
Il est à noter que la mort, au sens de ce texte, s’entend du décès d’une personne, quelle qu’en soit la cause (mort naturelle ou mort violente) ; une solution analogue était d’ailleurs retenue sous l’empire de l’article 718 du même code, lequel a été implicitement abrogé, à compter du 1er juillet 2002 (L. n° 2001-1135, 3 déc. 2001, art. 18 et 25, I).
Ce principe est d’ordre public ; en effet, la mort civile qui faisait jadis perdre au condamné à une peine criminelle perpétuelle la propriété de tous les biens et qui ouvrait sa succession au profit de ses héritiers, auxquels ses biens étaient dévolus, de la même manière que s’il était mort sans testament, a été abolie par une loi du 31 mai 1854.
En droit, cependant, la mort intervient de plusieurs manières différentes ; elle peut, tout d’abord, être certaine, parce que résultant du décès de la personne officiellement constaté ; elle peut, ensuite, être présumée, à la suite d’une disparition ou d’une absence de la personne.
Enfin, entre ces deux situations, il convient de faire une place particulière aux personnes susceptibles d’hériter l’une de l’autre et qui trouvent la mort dans un même événement, sans qu’il soit possible de déterminer l’ordre de leur décès ; jusqu’à une date récente, le Code civil comportait des présomptions de survie (C. civ., art. 720 à 722 anciens), mais les articles consacrés à la théorie dite des « comourants » sont désormais abrogés et depuis le 1er juillet 2002, le dénouement de la situation se fait d’une manière totalement différente.
L’existence d’un lieu précis d’ouverture de la succession d’un individu tient à l’opportunité de centraliser en un même endroit les diverses opérations que peut comporter le règlement d’une succession, tout spécialement si un contentieux s’élève ou encore s’il s’agit d’une succession internationale.
Il convient cependant d’éviter une centralisation rigide et excessive en imposant un règlement intégral de la succession à ce lieu.
Depuis le 1er juillet 2002, les successions s’ouvrent par la mort, au dernier domicile du défunt (C. civ., art. 720, réd. L. n° 2001-1135, 3 déc. 2001, art. 18 et 25, I) . Dans le passé, il était simplement dit que le lieu où la succession s’ouvrira sera déterminé par le domicile (C. civ., art. 110 ancien).
Cette localisation de l’ouverture de la succession du défunt à son dernier domicile s’explique par le fait que c’est le lieu où il avait fixé le centre de son activité et de ses intérêts qui est celui où l’on a le plus de chances de trouver et de réunir ses biens, ainsi que les papiers, titres et documents concernant ses affaires.
La règle de l’ouverture de la succession au dernier domicile du défunt est générale ; elle s’applique à toute espèce de domicile, volontaire ou légal, en France ou à l’étranger et quelles que soient les circonstances de l’ouverture de la succession (décès constaté, disparition ou absence).
Dans un arrêt du 7 février 2024, la Cour d’appel de Grenoble estime que c’est à juste titre que le premier juge a rappelé que les règles sur les successions vacantes ne peuvent s’appliquer qu’à une succession ouverte, ce qui suppose le décès de l’intéressé, en vertu notamment de l’article 720 du Code civil.
Or en l’espèce, l’Association syndicale ne justifie pas du décès de l’intéressé, les échanges avec le notaire relatifs à la succession étant insuffisants à apporter cette preuve. Par conséquent, la cour confirme l’ordonnance sur requête rendue le 26 mai 2023 par le président du tribunal judiciaire de Grenoble en toutes ses dispositions frappées d’appel (10).
I. L’obligation de solliciter un Notaire
A. La succession comprend un bien immobilier
Lors d’une succession, dans le cas où le défunt détenait un bien immobilier, faire appel à un notaire est obligatoire. Le notaire doit en effet rédiger une attestation de propriété immobilière. Cette dernière désigne un acte juridique qui constate la transmission d’un bien immobilier appartenant au défunt à ses héritiers.
Cet acte ne peut être établi que par un notaire. Ce dernier transmet pour être publié cette attestation de propriété immobilière au service de la publicité foncière, que l’on appelait auparavant le bureau des hypothèques, du lieu où le bien immobilier concerné est situé. Suite à cette publication, l’attestation de propriété immobilière tient lieu de titre de propriété pour les héritiers.
B. Un testament ou une donation entre époux
Lors d’une succession, il est également nécessaire de passer par un notaire si le défunt a rédigé un testament, un document qui doit toujours être écrit, que ce dernier ait été déposé chez un notaire (on parle alors d’un testament “authentique”) ou qu’il ait été rédigé seul par le défunt sans faire appel à un notaire (il s’agit là d’un testament appelé “olographe”).
Un testament permet d’organiser de son vivant le partage de ses biens et d’exprimer ses dernières volontés. S’il a été déposé chez un notaire, ce dernier l’enregistre sur le Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV) qui permet à la suite d’un décès de savoir si un testament a été rédigé par le défunt et ainsi faciliter le règlement de la succession.
Seul un notaire est habilité à faire respecter les volontés formulées dans un testament.
Le recours à un notaire est obligatoire lorsque l’on est en présence d’une donation entre époux, aussi appelée donation au dernier vivant.
Cette forme de donation permet de son vivant de prévoir une part d’héritage plus importante pour son époux ou épouse. La donation entre époux nécessite de faire appel à un notaire qui, sauf si vous vous y opposez, inscrit votre donation entre époux au Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV) pour l’officialiser.
Au décès de l’un des époux concernés, le règlement de la succession passe obligatoirement par le recours à un notaire qui a pour rôle de faire respecter les volontés de l’époux décédé.
C. L’actif de la succession est supérieur à 5 000 €
De la même manière, lors d’une succession, le recours à un notaire est obligatoire à partir du moment où son montant est égal ou supérieur à 5 000 euros. Les héritiers doivent, en effet, demander à un notaire de rédiger un acte appelé “acte de notoriété” qui prouve qu’ils sont bien les héritiers, qui précise leur degré de parenté avec le défunt et la part d’héritage qui leur revient.
Avec cet acte de notoriété obligatoirement rédigé par un notaire, les héritiers disposent d’une preuve juridique de leur qualité de légataire pour notamment s’adresser à des tiers. Par exemple, grâce à cet acte notarié, les héritiers peuvent débloquer les sommes disponibles supérieures à 5 000 euros sur le compte bancaire du défunt.
II. Modes d’acquisition de sa part de succession
A. Partage amiable
Le partage est l’acte par lequel les indivisaires conviennent de partager les biens indivis et fixent tous les éléments du partage, à savoir la constitution et l’attribution des lots, l’estimation des valeurs et le règlement des soultes (CA Grenoble 21-4-1998 : JCP G 1998.IV.3543 : à propos d’un partage partiel, mais transposable à tout partage).
Le partage amiable est un contrat qui, sous réserve des règles particulières exposées ci-après, obéit au droit commun des contrats. Il s’ensuit, notamment, qu’il requiert l’accord unanime des indivisaires et qu’un copartageant ne peut pas, par sa seule volonté, s’en dégager.
Cette règle étant applicable à un partage établi à l’étranger dès lors qu’il porte sur un immeuble situé en France (1).
Naturellement, les mineurs, les présumés absents et les personnes sous protection juridique n’ont pas à être présents (le mineur peut, une fois devenu majeur, ratifier l’acte de partage qui avait été conclu en son nom, par exemple en exécutant le partage. Avant qu’un tel partage puisse avoir lieu, il est nécessaire d’évaluer les biens. Dans le cas où un bien immobilier est dans le partage, la présence d’un notaire est obligatoire afin d’établir l’acte liquidatif.
Lorsque plusieurs indivisions existent exclusivement entre les mêmes personnes, qu’elles portent sur les mêmes biens ou des biens différents, un partage amiable unique peut intervenir (2).
B. Partage judiciaire
Pour finir, il est possible, au moment de quitter l’indivision, qu’un litige apparaisse. Tout d’abord, dans le cas de la propriété d’un bien, 2/3 des droits suffisent à gérer la situation comme le dispose l’article 815-5-1 du Code civil.
Lorsqu’un partage amiable s’avère impossible (refus d’un indivisaire ou contestations diverses), une procédure en partage judiciaire peut être engagée (Code civil, article 840 à 842). Le tribunal judiciaire (le TGI avant le 1er janvier 2020) compétent ordonne le partage et désigne un notaire pour présider aux opérations de liquidation et de partage, établir un procès-verbal de difficultés en cas de contestation et dresser un état liquidatif soumis à l’homologation du tribunal.
La Cour d’appel de Besançon, dans un arrêt du 30 janvier 2024, rappelle que l’article 840 du Code civil prévoit que le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837.
En l’espèce, le juge de première instance a, par de justes motifs non remis en cause en appel, retenu l’existence d’une indivision successorale entre les héritiers. Dès lors et en considération du désaccord existant entre les héritiers concernant tant la masse partageable que les droits des co-indivisaires, la cour confirme le jugement en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession du défunt (11).
Si certains biens indivis sont difficilement partageables en nature, il peut s’avérer nécessaire de les vendre sur licitation pour procéder à la composition des lots. S’il s’agit d’immeubles, la licitation prend la forme d’une vente aux enchères publiques soit devant le tribunal, soit devant le notaire désigné par le juge.
En cas d’inertie d’un indivisaire, le notaire peut demander au juge de nommer un représentant. Le tribunal nomme également un juge-commissaire pour surveiller les opérations et dresser un rapport sur les contestations éventuelles lors de l’homologation de l’état liquidatif.
En tout état de cause, le juge s’assure ici du respect du principe de l’égalité en valeur du partage. Ainsi, chaque copartageant doit recevoir des biens pour une valeur identique (Code civil, article 826).
En principe, selon les dispositions de l’article 887-1 du Code civil, en cas d’omission d’un héritier, le partage peut être annulé. Toutefois, dans les départements et régions d’outre-mer ainsi que dans les collectivités de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, par dérogation au premier alinéa de cet article, lorsque l’omission d’un héritier résulte de la simple ignorance ou de l’erreur, si le partage judiciaire a déjà été soumis à la formalité de la publicité foncière ou exécutée par l’entrée en possession des lots, l’héritier omis ne peut solliciter qu’à recevoir sa part soit en nature, soit en valeur, sans annulation du partage, et en cas de désaccord entre les parties, c’est le tribunal qui tranche (L. n° 2018-1244, 27 déc. 2018, art. 5 : JO, 28 déc.).
C. Preuve d’un recel successoral
Le recel consiste, pour un héritier, à détourner à son seul profit des biens ou des droits héréditaires qui auraient dû être compris dans le partage intervenu ou à intervenir avec les autres héritiers. La jurisprudence y inclut « toute fraude ayant pour but de rompre l’égalité des partages entre cohéritiers » (Cass. civ., 23 août 1869 ; DP 1869, 1, p. 456).
Il peut s’agir aussi bien d’un enlèvement de meubles ou d’une aliénation à l’insu des autres héritiers, que de la production d’un faux testament ou de l’abus d’une procuration sur un compte bancaire obtenue du de cujus. Un arrêt admet aussi que des trusts constitués à l’étranger, d’un commun accord entre le de cujus et l’un de ses enfants, sont susceptibles de constituer des hypothèses de recel (3).
Le receleur ne peut « prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés » (C. civ., art. 778, al. 1er). Il perd les produits de son détournement, dont les héritiers victimes profiteront seuls.
L’intention frauduleuse n’est jamais présumée. Par exemple, il n’y a pas présomption de recel du seul fait qu’un enfant n’a pas spontanément révélé à son frère la donation de titres qu’il a reçue de son père (4). Peu importe d’ailleurs qu’il s’agisse d’une donation déguisée : il n’y a recel que si la dissimulation a été faite sciemment, c’est-à-dire dans le seul but qu’il n’en soit pas tenu compte dans les opérations de partage de la succession (5).
L’intention frauduleuse doit donc être prouvée par les héritiers ou créanciers de la succession qui prétendent qu’il y a eu recel, ce qui, en pratique, n’est pas évident (6). L’intention frauduleuse est souverainement appréciée par les juges du fond (7). Mais les juges doivent la caractériser et ne pas se contenter, par exemple, de relever que la somme litigieuse a été déposée sur le compte personnel de l’époux transformé en compte joint juste avant le remariage et que l’épouse en a bénéficié personnellement (8).
Le recel exige un dol spécial : son auteur doit avoir pour intention de frauder ses cohéritiers ou au moins la conscience d’agir à leur détriment. Ce n’est pas le cas s’il cherche seulement à frauder le fisc. Son intention, bien que frauduleuse, n’est pas celle du receleur au sens de l’article 778 du Code civil.
Pas de recel successoral sans preuve de l’intention frauduleuse (9).
Sources :
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000019781191?init=true&page=1&query=05-16.203&searchField=ALL&tab_selection=all
- www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034653642?init=true&page=1&query=16-20.025+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000032683207?init=true&page=1&query=15-13.741.&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026670360?init=true&page=1&query=11-25.439+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007053935?init=true&page=1&query=05-18.573+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026816240?init=true&page=1&query=11-22.938&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027950017?init=true&page=1&query=12-19.218+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000044105861?init=true&page=1&query=20-11.678+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000044105861?init=true&page=1&query=20-11.678+&searchField=ALL&tab_selection=all
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAGRENOBLE-07022024-23_02187?em=Cour%20d%27appel%20de%20grenoble%2C%20Chbre%20des%20Aff.%20Familiales%2C%207%20f%C3%A9vrier%202024%2C%20%2023%2F02187
- https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CABESANCON-30012024-22_01019?em=Cour%20d%27appel%20de%20besancon%2C%201%C3%A8re%20Chambre%2C%2030%20janvier%202024%2C%20%2022%2F01019