Évaluation de la prestation compensatoire : les futurs héritages ne sont pas pris en compte

La prestation compensatoire est fixée par le juge en fonction des besoins de l’époux à qui elle est versée et des ressources de l’époux débiteur. Elle compense la disparité que le divorce peut entraîner. Le montant de la prestation compensatoire est déterminé au moment du divorce. 

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Si l’un des ex-époux reçoit un héritage après fixation de la prestation compensatoire, il n’est plus possible de tenir compte de cet élément.

Si l’un des ex-époux a vocation à hériter d’un parent mais que cet héritage n’est pas encore réalisé, il ne peut être tenu compte de cet élément non réalisé pour évaluer le montant d’une prestation compensatoire.

 

I. La date d’appréciation

Le montant de la prestation compensatoire est fixé en fonction des besoins de l’époux à qui elle est versée et des ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de la situation dans un avenir prévisible (1. c. civ. art 271)

En pratique, le tribunal va apprécier le patrimoine actuel en capital et en revenus et le patrimoine futur (perspectives de carrière, prévisions de retraite). Il tiendra également compte des charges présentes et prévisibles.

Outre les charges courantes seront également pris en compte les prêts immobiliers ou à la consommation, les frais de santé lorsque l’état d’un époux exige des soins particuliers, les charges qui découlent d’une précédente union.

Dans un arrêt du 25 octobre 2023, la Cour de cassation rappelle que l’article 270 du Code civil dispose que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives, et que l’article 271 du Code civil prévoit que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

La Cour de cassation constate que pour fixer à un certain montant la prestation compensatoire due par l’époux à son épouse, l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence prend en compte l’âge des époux, leurs parcours et leurs choix professionnels, ainsi que leur patrimoine tant en capital qu’en revenus.

Elle considère qu’en se déterminant ainsi, sans s’expliquer, comme il le lui était demandé, sur les droits prévisibles des parties en matière de retraite, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Par conséquent, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, mais seulement en ce qu’il condamne l’époux à verser à son épouse une prestation compensatoire d’un montant de 40 000 euros (9).

La Cour de cassation, dans un arrêt du 5 avril 2023 rappelle les articles 270 et 271 du Code civil et constate que pour fixer à une certaine somme le montant de la prestation compensatoire due par l’époux à son épouse, l’arrêt de la cour d’appel de Paris retient que celle-ci est sans revenu autre que la pension alimentaire versée par son époux au titre du devoir de secours et qu’elle bénéficie de la jouissance du domicile conjugal à titre gratuit depuis l’ordonnance de non-conciliation.

La Cour de cassation considère qu’en statuant ainsi, alors que la pension alimentaire et la jouissance gratuite du domicile accordées à l’épouse au titre de devoir de secours, pour la durée de l’instance en divorce, ayant un caractère provisoire, elles ne peuvent être prises en considération pour fixer le montant de la prestation compensatoire, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

La Cour de cassation décide donc de casser et d’annuler l’arrêt de la cour d’appel de Paris, mais seulement en ce qu’il fixe à 200 000 euros le montant de la prestation compensatoire que l’époux doit verser à son épouse (10).

La situation des parties doit être appréciée au moment du divorce ; il s’agit non pas de la date de séparation des époux, mais de celle du prononcé du divorce (2. Cass. civ. 2, 20 avril 2000, n° 98-14.169). Ce n’est pas non plus à la date de l’ordonnance de non-conciliation, ou celle de l’assignation ; il s’agit tout simplement de la date à laquelle le divorce est devenu définitif.

La détermination de cette date peut soulever des difficultés en cas d’appel. Dans l’hypothèse d’un appel général, le divorce n’est pas définitif et n’a donc pas autorité de la chose jugée, ce même lorsque les parties ne concluent que sur la prestation compensatoire ; dans ce cas, les juges d’appel doivent apprécier la situation des parties au moment où elle statue (3. Cass. civ. 2, 31 janvier 2013, n° 11-29.004)

 

II. L’avenir prévisible

Le texte précise ensuite un certain nombre de critères qui doivent être pris en compte pour parvenir à cette évaluation, critères dont la liste n’est pas exhaustive et au sein desquels rien n’est précisé concernant les droits successoraux. Néanmoins, aux termes d’une jurisprudence désormais constante, la Cour de cassation affirme que la vocation successorale ne relève pas des droits prévisibles visés par l’article 271 du code civil.

Le Juge ne peut pas prendre en considération la vocation successorale, c’est-à-dire les biens que l’un des époux a vocation à recueillir pour l’avenir en cas de décès d’un parent. La Cour de cassation indique que la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que la vocation successorale ne constitue pas un droit prévisible au sens des articles 270, 271 et 272 du Code civil.  (4. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 21 septembre 2005, 04-13.977)

Toutefois, si l’un des époux est déjà titulaire de biens propres reçus par succession au jour de l’appréciation de la prestation compensatoire, le Juge peut en tenir compte. (5. Civ. 1re, 28 févr. 2006, n° 04-17.695)

Le Juge se place en effet au jour où il statue pour évaluer le patrimoine des époux et également dans un avenir prévisible. La succession ne renvoie effectivement pas à un avenir prévisible selon la jurisprudence. Dans cet arrêt, la Cour de cassation vient de rappeler qu’une vocation successorale ne constitue pas un “avenir prévisible”. Dans cette affaire, la Cour d’appel avait débouté l’épouse de sa demande de prestation compensatoire parce qu’elle avait vocation à hériter de ses parents d’immeubles dont elle était déjà nu-propriétaire. La haute juridiction a censuré cette décision en estimant que des éléments non encore réalisés au moment du divorce et qui ne présentent pas de caractère prévisible à cette date ne doivent pas être pris en compte.

La Cour de cassation confirme ainsi une position qu’elle avait déjà prise au sujet d’une succession dévolue après le prononcé du divorce. (6. Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 octobre 2010, 09-10.989)

De même, les perspectives de versement d’une pension de réversion en cas de prédécès du mari ne peuvent pas être prises en compte (7. Cass. civ. 1, 6 octobre 2010, n° 09-15.346)

Par un arrêt du 16 février 2022 la Cour de Cassation confirmant son interprétation constante de l’article 271 du code civil excluant la seule vocation successorale des droits devant être pris en compte pour l’évaluation de la prestation compensatoire, la première chambre civile de la Cour de cassation refuse de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise, considérant que cette interprétation n’emporte aucune atteinte au principe d’égalité entre les époux devant la loi.

En effet, selon le demandeur au pourvoi, le fait de prendre en compte les droits successoraux de l’époux dont les parents sont décédés, mais non la vocation successorale de l’époux dont les parents ne sont pas décédés introduit entre eux une rupture d’égalité (8. Civ. 1re, 16 févr. 2022, n° 21-20.362)

 

 SOURCES : 

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007051205
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000023035844/
  3. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000022903568/
  4. https://www.courdecassation.fr/decision/620ca2d4c61f23729bcf61da?search_api_fulltext=21-20.362…
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007497048
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007413567
  7. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000027020536
  8. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000022903544/
  9. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CC-25102023-21_25436?em=Cour%20de%20cassation%2C%20Premi%C3%A8re%20chambre%20civile%2C%2025%20octobre%202023%2C%20%2021-25.436%2C%20In%C3%A9dit
  10. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CC-05042023-21_23050?em=Cour%20de%20cassation%2C%20Premi%C3%A8re%20chambre%20civile%2C%205%20avril%202023%2C%20%2021-23.050%2C%20In%C3%A9dit