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Déceler et contester une donation déguisée ?

Lors de l’ouverture de la succession, un héritier peut découvrir que le défunt a offert des cadeaux ou donné de l’argent à d’autres héritiers. Ces dons déguisés ont eu pour effet de réduire le patrimoine du défunt, privant ainsi l’héritier d’une partie de son héritage.

 La donation est considérée comme une donation déguisée lorsque les parties dissimulent sa gratuité sous l’apparence d’un acte onéreux.

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I. Comment déceler une donation déguisée

L’article 893 du Code civil définit la donation comme étant « l’acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d’une autre personne » et précise qu’« Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament ».

L’article 894 du Code civil dispose que : « la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte » (6).

La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 6 février 2024, considère que pour retenir une donation indirecte, l’Administration doit démontrer l’intention libérale du donateur, le dessaisissement immédiat et irrévocable du donateur entraînant son appauvrissement et l’acceptation du bénéficiaire. Ainsi que l’a justement retenu le tribunal, l’intention libérale du donateur résulte indiscutablement des liens d’affection l’unissant à ses parents et de leur proximité du fait du partage de leurs vies au sein de la même maison (7).

Une donation déguisée diffère d’une donation valide.

La donation déguisée est celle dans laquelle on distingue clairement une intention de tromper, un mensonge, le déguisement d’une autre réalité, une intention de se soustraire à la fiscalité.

La donation indirecte est un acte dit taisant, mais qui ne révèle aucune intention malicieuse.

La donation ne peut être faite que par donation entre vifs ou par testament.

Que la donation soit directe ou indirecte, l’héritier ayant reçu une donation entre vifs devra la rapporter à ses cohéritiers, et ce conformément à l’article 843 du Code civil.

Dans un arrêt du 29 janvier 2024, la Cour d’appel de Nancy constate qu’aucune pièce ne justifie de la diminution du solde bancaire, et encore moins que celle-ci serait imputable à des transferts au profit du fils du défunt dont il devrait répondre et que l’intimé a admis que son épouse a reçu de son père un virement de 2000 euros.

La cour considère qu’il appartient en conséquence à la fille du défunt qui réclame que son frère soit tenu de rapporter cette somme, de démontrer qu’il s’agissait d’une donation indirecte à celui-ci ou d’un détournement opéré par celui-ci. Or la cour estime qu’aucune pièce ne vient le démontrer, alors que le défunt était libre de disposer de son patrimoine et de consentir à sa belle-fille une donation, que ni elle, ni son époux ne sont tenus de rapporter (8).

En principe, toutes les donations faites au profit d’un héritier sont considérées comme une avance sur sa part d’héritage.

La donation est caractérisée de donation déguisée lorsqu’elle consiste en réalité à une simulation soit par le fait de prétendre qu’un acte passé entre plusieurs personnes constitue une opération autre qu’une libéralité, dont la conséquence directe est l’enrichissement du donataire.

Il peut par exemple s’agir de la vente d’un bien immobilier à un prix moindre que sa valeur, mais également d’une vente pour laquelle le prix ne sera jamais versé ou d’un prêt consenti à un emprunteur par un prêteur qui ne lui réclamera pas le remboursement de la somme prêtée.

Une assurance-vie a pu avoir été souscrite par un parent qui se savait atteint d’une maladie ne lui laissant aucune espérance de vie, aucune perspective de racheter le fruit de ses économies, au profit d’un enfant et au détriment des autres.

Une donation déguisée peut également prendre la forme de viager consenti au profit d’un enfant en contrepartie d’une rente ou d’un bouquet, totalement sous-estimée par rapport à la valeur immobilière du marché

Une donation déguisée peut être constituée par l’ouverture d’un compte bancaire conjoint, au nom du défunt et d’un enfant que l’on souhaite favoriser au détriment des autres, tandis que ce compte n’aurait été alimenté qu’avec les deniers et les avoirs personnels du parent cotitulaire dudit compte.

Une donation déguisée peut également ressortir d’une cession de parts sociales d’une SCI ou d’une société commerciale, tandis que les parts cédées auraient été sous-évaluées.

Une fois décelé, il sera fondamental de rapporter la preuve de la donation déguisée.

 

II. Comment prouver une donation déguisée

 La preuve d’une donation déguisée peut être rapportée par toute personne à savoir les parties ou les tiers et par tous moyens.

Le donateur lui-même peut trouver un intérêt à invoquer l’existence d’une donation déguisée lorsqu’il souhaite se prévaloir d’une cause légale de révocation telle que l’ingratitude du bénéficiaire de la donation.

Les héritiers peuvent aussi être intéressés par la qualification de donation déguisée, dans la mesure où la donation déguisée est rapportable à la succession, ce qui peut entraîner une augmentation de la part d’héritage revenant à chaque héritier.

L’Administration fiscale peut également remettre en cause une donation déguisée lorsqu’elle soupçonne la validité d’un acte.

Afin de remettre en cause une telle donation et obtenir son rapport à la succession, il sera nécessaire d’apporter la preuve de l’existence d’une donation déguisée.

Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 janvier 2014 est venu éclairer cette nécessité de preuve qui incombe aux personnes intéressées. Cet arrêt a précisé qu’une donation « suppose la preuve que l’acte contient une affirmation mensongère quant à l’origine des fonds » et la validité de cette preuve relèvera de l’appréciation souveraine des juges du fond. ((Cass. Civ. 1, 29 janvier 2014, n° 13-10008)

La donation suppose la preuve que l’acte contient une affirmation mensongère quant à l’origine des fonds.

La preuve d’une telle affirmation relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond.

Afin de permettre l’apport de la preuve, il faut faire application des présomptions reposant sur certaines données de fait qui sont :

  • L’âge avancé du donateur ;
  • Le lien de parenté ou d’affection unissant le vendeur et l’acquéreur (donateur et bénéficiaire) ;
  • Le paiement en espèces ;
  • La sous-estimation du prix du bien objet de l’acte onéreux ;
  • La situation financière du vendeur ainsi que son état de santé ;
  • Le temps passé entre l’acte onéreux et le décès du donateur ;

Si l’Administration fiscale, l’héritier ou même le donateur parvient à prouver que l’acte onéreux est une dissimulation d’une donation, le bénéficiaire de la donation ne sera pas redevable des droits de donations, mais plutôt du régime fiscal de l’acte apparent.

Dans le cas où l’Administration fiscale considère que l’acte onéreux a pour objet le transfert d’une somme assez conséquente, elle peut ajouter au paiement des droits de donation, les impôts relatifs au régime fiscal de l’acte apparent dit onéreux.

 

III. Les conséquences de la donation déguisée

Avant tout, la découverte d’une donation déguisée provoque le blocage de la succession.

Cependant, la donation n’en est pas moins valable. La Cour de cassation affirme que le déguisement ne fait pas présumer son illicéité de la cause (Civ. 1re, 8 juill. 1975, no 73-13.192) et que la simulation démontrée n’entraîne pas la nullité de la donation, mais seulement son éventuelle réduction (Civ. 1re, 2 févr. 1971, no 69-13.778).

En premier lieu, une procédure de redressement par l’Administration fiscale concernant le paiement des droits de mutation, ajoutés à cela d’éventuels frais de retard, en plus d’être en droit de restituer le véritable caractère de l’acte dissimulant la donation.

Dans un second temps, les héritiers lésés par la donation déguisée pourront, lorsque l’acte porte atteinte à la réserve héréditaire, et que cette atteinte est prouvée, demander que la donation déguisée soit rapportée à la succession entraînant ainsi un nouveau calcul de la part successorale revenant à chaque héritier. En effet, les héritiers ont l’obligation de rapporter à la succession tout ce qu’ils ont obtenu du défunt.

Lorsque le donataire a la qualité d’héritier, le don reçu dans le cadre de la donation déguisée s’impute sur sa part d’héritage, mais il peut être toutefois contraint d’indemniser les cohéritiers par le biais de dommages et intérêts, notamment lorsqu’il est impossible pour ces derniers de percevoir la part minimale de la succession qui leur revient de droit.

En cas de mauvaise foi ou de faute intentionnelle du donataire, celui-ci pourra être poursuivi pour chef de recel successoral. En cas de condamnation pénale, il perdra alors son option successorale, sera privé de la part qui lui revenait sur les biens recelés, en plus de pouvoir être tenus de restituer l’objet du don et des fruits qu’il aurait produits.

Il sera alors nécessaire d’engager une action en réduction afin que le ou les héritiers lésés perçoivent la part de l’héritage qui leur revient de droit.

Si la donation déguisée frauduleuse a été établie et prouvée, l’administration fiscale pourra assujettir le donataire, en plus des droits de mutation à titre gratuit, des pénalités de retard s’élevant de 40% à 80%.

Par exception, les donations déguisées susceptibles d’être frappées de nullité sont celles effectuées au profit de concubins ; d’une personne incapable  ou encore d’une personne ayant pour objectif de dissimuler l’existence de cette donation au moment de la succession. 

 

SOURCES : 

  1. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433489
  2. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006432755
  3. https://juricaf.org/arret/FRANCE-COURDECASSATION-20140129-1310008
  4. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006994782/
  5. https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000006984746
  6. https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006433497
  7. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAGRENOBLE-06022024-22_01818?em=Cour%20d%27appel%20de%20grenoble%2C%201ere%20Chambre%2C%206%20f%C3%A9vrier%202024%2C%20%2022%2F01818
  8. https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CANANCY-29012024-23_01231?em=Cour%20d%27appel%20de%20nancy%2C%201%C3%A8re%20Chambre%2C%2029%20janvier%202024%2C%20%2023%2F01231