1

Que faire en cas de recel d’héritage ?

Le recel d’héritage apparaît pour la première fois en jurisprudence dans un arrêt de la Cour de cassation du 15 avril 1890. Cet arrêt inédit à l’époque, apporte une définition précise du recel d’héritage. Ainsi, « constitue un recel toute manœuvre dolosive, toute fraude commise sciemment et qui a pour but de rompre l’égalité du partage, quels que soient les moyens employés pour y parvenir ». Modifié par plusieurs lois successives (notamment en 2006), le recel successoral est désormais défini à l’article 778 du Code civil.

Le recel successoral peut ainsi être caractérisé par l’intention frauduleuse d’une personne ayant la volonté de réduire ou changer la part d’héritage due à une autre personne. À titre d’exemple, le recel d’héritage peut être caractérisée par la dissimulation de certains biens dévolus à la succession ou encore, d’une libéralité. Différentes sanctions existent en cas de recel d’héritage.

Pour la résolution de vos problèmes relatifs de succession, nos avocats sont disposés à vous aider.

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63
ou remplissez le formulaire en cliquant sur le lien

Les relations familiales peuvent difficilement rester harmonieuses sans loyauté, sans honnêteté entre ses membres. Le Code civil ne l’ignore pas : le Code contient ainsi plusieurs causes de déchéance et peines privées, venant ainsi rappeler que l’existence d’une famille ne peut se concevoir sans devoir. Le recel d’héritage ou successoral fait partie de cet arsenal.

Tout héritier qui détient des biens et valeurs qui dépendent de la succession doit les révéler à ses cohéritiers. À défaut, il se rend coupable de recel successoral.

Cela le conduit d’une part à être déchu du droit d’accepter la succession à concurrence de l’actif net (ce qui est une sorte de sanction), et d’autre part à être privé de tout droit dans les valeurs recelées. Le recel d’héritage apparaît pour la première fois dans un arrêt de la Cour de cassation le 15 avril 1890.

Pour la jurisprudence de l’époque, toute fraude qui a pour but de rompre l’égalité du partage entre cohéritiers ou de modifier leur vocation héréditaire constitue un divertissement ou un recel au sens de l’article 778 du Code civil (Cour de cassation, requête du 24 octobre 1932, DH 1932, pages 537).

Cet article dispose ainsi : « Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part. L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession ».

C’est dire que l’élément matériel est entendu largement puisque, strictement envisagé, il ne pourrait s’agir que d’une soustraction ou d’une dissimulation des effets de la succession. L’élément matériel est une composante de l’infraction, qui s’ajoute à l’élément moral et permet d’envisager une sanction pénale et civile.

Entre alors dans la définition, quels que soient les moyens mis en œuvre, toute manœuvre et tout acte de nature à diminuer en apparence l’actif successoral au bénéfice d’un héritier. Par exemple, est seule constitutive d’un recel successoral la dissimulation d’une donation rapport ou réductible (Cour de cassation, 1ère Chambre civile du 25 mai 2016, n° 15-14.863). Toutefois, la sanction du recel ne peut être prononcée qu’à condition de caractériser son élément intentionnel (moral) et matériel. Dans cet article, nous vous expliquerons comment prouver le recel d’héritage et la méthode d’action à suivre en cas de recel d’héritage.

I) Prouver le recel d’héritage

Pour prouver le recel d’héritage, il est nécessaire de réunir différents éléments. L’infraction pénale se compose en effet de deux éléments : matériel et moral.

L’élément matériel en matière de recel successoral pourra être constitué par la preuve même de l’existence du recel.

A – ÉLÉMENT MATÉRIEL

Le recel consiste en une dissimulation portant indifféremment sur un meuble ou un immeuble dépendant de la succession.

Cet élément matériel peut se retrouver dans la soustraction ou la dissimulation de biens dépendant de la succession, la non-révélation de l’existence de biens successoraux, la dissimulation d’un héritier, la confection d’un faux testament, la dissimulation d’une dette ou d’une donation. En d’autres termes, l’élément matériel permet de mettre en avant toutes manœuvres ayant eu pour objectif de tromper les héritiers.

Avant la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, la dissimulation d’un héritier n’entrait pas dans le champ du recel, au motif que l’héritier n’était pas un « effet » de la succession (Cour de cassation 1re Chambre civile du 25 mai 1987, n° 85-15.478). Cependant, la solution avait été remise en cause (voir Cour de cassation 1re Chambre civile du 16 juillet 1992, n° 90-19.471).

La loi du 23 juin 2006 a modifié ce schéma juridique et a prévu de manière expresse la qualification de recel, la dissimulation de l’existence d’un cohéritier.

L’article 778 du Code civil dispose ainsi dorénavant que celui qui a : « dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés ».

Il a cependant été jugé que l’appropriation de loyers produits par des biens successoraux, mais échus après l’ouverture de la succession ne constituent pas un cas de recel (Cour de cassation 1re Chambre civile du 25 novembre 2003, n° 01-01.248, RJPF 2004 -2/51, obs. Casey J.).

Au contraire, la dissimulation intentionnelle d’une donation, quelle que soit sa forme (don manuel, donation indirecte ou déguisée), qu’elle soit préciputaire ou non, constitue un cas de recel.

Il peut également s’agir de l’allégation frauduleuse d’une créance contre la succession ou de la dissimulation d’une dette due par le receleur à la succession. Il est important de noter que, peu importe que le résultat final du recel ait ou non été profitable au receleur (ou que la succession ait subi ou non un préjudice) : la sanction sera encourue dès qu’il sera établi que cette dissimulation était frauduleuse et que le recel a rompu l’égalité dans le partage.

B – ÉLÉMENT INTENTIONNEL

L’élément intentionnel est constitué par l’intention frauduleuse, le receleur cherchant à obtenir un avantage par rapport à ses cohéritiers. Cet élément peut être défini comme « la volonté d’accomplir une action en vue d’obtenir un résultat particulier, est plus qu’un élément constitutif des infractions ; il est le fondement de la responsabilité pénale » (Maman, Ronald – 2007 – Contribution à l’étude de l’élément intentionnel en droit pénal des affaires. École doctorale Droit et Science Politique – Toulouse).

Il s’agit ici de montrer que la personne accusée avait comme volonté, comme intention, de fausser délibérément les opérations de partage dans l’objectif de favoriser ou défavoriser intentionnellement l’un des héritiers.

En d’autres termes, il s’agit de prouver que la personne accusée n’a pas fait une simple erreur de maladresse, mais qu’elle avait bien une intention de porter atteinte à la succession et comme seule volonté de nuire ou de profiter à quelqu’un.

La seule dissimulation ne suffit pas à l’établir, il faut un élément supplémentaire, tel qu’un mensonge (Cour de cassation 1re Chambre civile du 27 janvier 1987, n° 85-15.336) ou plus généralement une mauvaise foi de la part du receleur (voir, Cour d’appel d’Agen, 24 février 2003, Pons c/ Pons épouse Camara, RJPF 2003-7-8/44, obs. Casey J.).

Le recel successoral ne résulte pas d’un comportement passif (Cour d’appel d’Angers, 14 février 2019, n° 16/01306).

Des successibles, ayant diverti une somme d’argent des effets de la succession par des manœuvres frauduleuses commises par chacun d’eux en connaissance des agissements des autres, participent à un recel commun, de sorte qu’ils ne peuvent prétendre à aucune part sur ladite somme (recel commis par deux enfants du défunt au préjudice du conjoint survivant (Cour de cassation 1re Chambre civile du 20 juin 2012, n° 11-17.383).

Il en résulte qu’à contrario, celui qui, de bonne foi, établit qu’il ne savait pas que la donation qu’il avait reçue devait être révélée afin de figurer dans la liquidation, n’encourt pas les peines du recel (Cour de cassation 1re Chambre civile du 10 octobre 1978, n° 76-14.873). La volonté de nuire n’était pas ici démontrée, la personne n’avait pas agi dans un but frauduleux. La fraude doit ainsi être dirigée contre les cohéritiers ou les créanciers successoraux.

Le recel successoral n’est constitué que si la démonstration peut être faite d’un élément intentionnel c’est-à-dire de la volonté du receleur de priver de ses droits un héritier dont il connaît l’existence et la vocation successorale (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 14 novembre 2018, n° 15/15597). En l’espèce, l’élément intentionnel n’est pas caractérisé, car rien ne permet d’établir que les cohéritières avaient connaissance de la vocation successorale de leur demi-frère.

Lorsque l’acte en cause a été commis dans l’intérêt du défunt ou de l’indivision successorale, la notion de recel ne peut être retenue dès lors que l’intention frauduleuse est absente (Cour d’appel de Basse Terre 2ème Chambre civile du 8 février 2021, n° 18/00396). En effet, le recel successoral ne peut ici pas être caractérisé, car il a été établi que les sommes sur le compte du défunt ont été utilisées par son héritière afin de payer les dettes ainsi que les frais d’obsèques du défunt. Il n’y a donc pas eu détournement de ces sommes à des fins frauduleuses.

En revanche, la fraude fiscale ne peut constituer un cas de recel. Ce comportement est, en effet, sanctionné au titre des dispositions de droit pénal fiscal. L’atteinte n’est ici pas faite au détriment d’une autre personne, mais bien de l’Etat. Le receleur peut cependant se repentir, ce qui suppose qu’il fasse cesser le recel avant la découverte de celui-ci. Cette faculté de repentir est personnelle au receleur, ses héritiers ne peuvent l’exercer à sa place.

II – Que faire en cas de recel d’héritage ?

Les actions à mettre en œuvre en cas de recel n’apparaissent pas d’une complexité insurmontable. Il faut cependant être conscient du coût et du délai de la procédure afférente.

De ce fait, il est particulièrement nécessaire de se faire accompagner d’un avocat. Le conseil vous aidera alors à porter plainte afin de faire cesser le recel. Pour cela, il sera nécessaire de prouver les deux éléments sus-développés : l’élément matériel de l’infraction de recel d’héritage, et l’élément moral constitué par la volonté de nuire à la succession. Différentes sanctions seront alors applicables.

La première des caractéristiques permettant de déposer plainte porte sur la nécessaire présence de deux héritiers. À défaut, point de recel puisque l’héritier unique ne pourra se recéler lui-même.

Le recel fait du receleur un héritier acceptant pur et simple. S’il n’a pas encore opté, il ne pourra plus le faire. S’il était acceptant à concurrence de l’actif net, il est déchu de ce droit.

C’est ce que prévoit l’article 801 du Code civil : « Tant que la prescription du droit d’accepter n’est pas acquise contre lui, l’héritier peut révoquer son acceptation à concurrence de l’actif net en acceptant purement et simplement. Cette acceptation rétroagit au jour de l’ouverture de la succession. L’acceptation à concurrence de l’actif net empêche toute renonciation à la succession ».

S’il était renonçant, il deviendrait acceptant pur et simple, sauf si sa renonciation était devenue irrévocable en raison de l’acceptation d’un autre héritier.

Naturellement, s’il était déjà acceptant pur et simple, aucune modification (en termes d’acceptation) ne résulterait du recel.

La conséquence majeure de cette acceptation forcée est d’obliger le receleur au passif successoral (obligation ultra vires hereditatis). Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont où auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier. Lorsque le recel porte sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.

L’héritier receleur est également tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. Le nouveau libellé de l’article 778 du Code civil prévoit ainsi explicitement que les sanctions susmentionnées ont lieu « sans préjudice de dommages et intérêts », ce qui signifie que ces derniers peuvent être sollicités à titre de complément.

Dans le cas où la personne coupable est un autre héritier, elle est réputée comme acceptant la succession et ne dispose donc plus de la faculté de la refuser.

Elle sera par ailleurs privée de sa part sur tous les biens recelés : autrement dit, elle ne fera pas partie d’un quelconque partage pour ces biens. Elle devra naturellement restituer l’ensemble de ces biens, mais également tous les revenus qu’ils auraient pu produire. Par exemple, si un bien immobilier a été acquis via ce recel et mis en location, elle devra restituer l’ensemble des loyers qu’elle a reçu grâce à celui-ci.

Il faut, pour conclure, souligner un dernier aspect de cette procédure. Dans le cas où la personne receleuse restitue les biens spontanément et avant toutes poursuites, elle peut échapper aux pénalités de recel. C’est ce qui ressort d’un courant jurisprudentiel initié par la Cour de cassation depuis 2005.

SOURCES :LOI N° 2006-728 DU 23 JUIN 2006 PORTANT RÉFORME DES SUCCESSIONS ET DES LIBÉRALITÉS : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGIARTI000006284835/2007-01-01/
ARTICLE 778 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000020616239/2009-05-14/
COUR DE CASSATION, 1ÈRE CHAMBRE CIVILE DU 25 MAI 2016, N° 15-14.863 : https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/536_25_34325.html
COUR DE CASSATION 1RE CHAMBRE CIVILE DU 25 MAI 1987, N° 85-15.478 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007018529/
COUR DE CASSATION 1RE CHAMBRE CIVILE DU 16 JUILLET 1992, N° 90-19.471 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007028870/
COUR DE CASSATION 1RE CHAMBRE CIVILE DU 25 NOVEMBRE 2003, N° 01-01.248, RJPF 2004 -2/51, OBS. CASEY J.) : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007047983/
MAMAN, RONALD – 2007 – CONTRIBUTION À L’ÉTUDE DE L’ÉLÉMENT INTENTIONNEL EN DROIT PÉNAL DES AFFAIRES. ÉCOLE DOCTORALE DROIT ET SCIENCE POLITIQUE – TOULOUSE : http://publications.ut-capitole.fr/724/
COUR DE CASSATION 1RE CHAMBRE CIVILE DU 27 JANVIER 1987, N° 85-15.336 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007018140
COUR D’APPEL D’AGEN, 24 FÉVRIER 2003, PONS C/ PONS ÉPOUSE CAMARA, RJPF 2003-7-8/44, OBS. CASEY J.COUR DE CASSATION 1RE CHAMBRE CIVILE DU 20 JUIN 2012, N° 11-17.383 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000026060551
COUR DE CASSATION 1RE CHAMBRE CIVILE DU 10 OCTOBRE 1978, N° 76-14.873 : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007002024/
ARTICLE 801 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006431709/2020-10-08
COUR D’APPEL D’ANGERS 1ERE CHAMBRE SECTION B DU 14 FEVRIER 2019, N° 16/01306 :
https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAANGERS-14022019-16_01306?em=Cour%20d%27appel%20d%27Angers%2C%2014%20f%C3%A9vrier%202019%2C%20%2016%2F01306
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE 6EME CHAMBRE D DU 14 NOVEMBRE 2018, N° 15/15597 :
https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CAAIX-EN-PROVENCE-14112018-15_15597?em=Cour%20d%27appel%20d%27Aix%20en%20Provence%2C%2014%20novembre%202018%2C%20%2015%2F15597
COUR D’APPEL DE BASSE-TERRE 2EME CHAMBRE CIVILE DU 08 FÉVRIER 2021, N° 18/00396 :
https://www.labase-lextenso.fr/jurisprudence/CABASSE-TERRE-08022021-18_00396?em=Cour%20d%27appel%20de%20Basse%20Terre%2C%208%20f%C3%A9vrier%202021%2C%20%2018%2F00396