La réforme du régime des nus-propriétaires légaux vis-à-vis de l’IFI

image_pdfimage_print

En 2018, le nouveau projet de loi de finances a introduit une nouveauté en droit fiscal français (Projet de loi de finances nº 235 pour 2018). L’article 12 du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 introduit ainsi la suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) pour le remplacer par l’Impôt sur la Fortune immobilière (IFI).

Ainsi, depuis le 1er janvier 2018, les particuliers disposant d’un patrimoine immobilier qui entre dans les critères de ce nouvel impôt, y sont soumis de plein droit. Ce nouvel impôt, qui vient remplacer l’ISF, ne modifie pas grandement la physionomie de cette catégorie d’impôt.

Quelques ressemblances avec l’ISF subsistent en effet. Nombreuses dispositions propres à l’ISF sont donc reprises. Le champ d’application de l’IFI ne se limite pas exclusivement au droit fiscal. L’IFI touche particulièrement plusieurs autres matières juridiques tel que le droit des successions. En effet, l’IFI apporte quelques nouveautés au régime des nus-propriétaires légaux. Ces nouveautés peuvent ainsi affecter la dévolution successorale et le choix des héritiers.

La forme la plus courante de nue-propriété légale est celle qui découle de l’article 757 du Code civil, c’est-à-dire, celle qui fait suite au décès d’une personne mariée.

Ainsi, cet article dispose : « si l’époux prédécédé laisse des enfants ou descendants, le conjoint survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du quart des biens lorsque tous les enfants sont issus des deux époux et la propriété du quart en présence d’un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux ».

Comme nous le verrons, la création de l’impôt sur la fortune immobilière (I) a un grand impact sur les nus propriété. Cet impact sera direct sur la dévolution successorale. Ce sera identique pour des domaines tels que : le calcul de l’IFI ainsi que la charge de son paiement (II).

I. Création de l’impôt sur la fortune immobilière

L’impôt sur la fortune immobilière est une nouvelle création qui a pour particularité de viser uniquement les biens immobiliers.

Il ne s’agira pas de tous les biens immobiliers possédés, mais uniquement des actifs immobiliers qui ne sont pas considérés comme des biens professionnels ; peu importe le caractère de leur détention.

On peut présenter l’IFI de cette manière : «avec lIFI, seuls les actifs immobiliers sont concernés. LISF concernait quant à lui les actifs mobiliers et immobiliers. En revanche, les redevables concernés par cet impôt ne changent pas, ce sont les mêmes que pour lISF. De même, le barème, la règle de plafonnement et labattement de 30 % sur la résidence principale sont conservés». On retrouve ainsi de nombreuses similitudes avec l’ISF.

À titre d’exemple, seront dispensés de taxation les actifs financiers et les meubles tels que les comptes bancaires, meubles meublants, ou encore les rentes viagères. Pour mettre fin à cette liste non exhaustive, sont également exclus de l’assiette de cet impôt les actifs immobiliers professionnels.

Les actifs immobiliers professionnels peuvent être définis comme des biens immobiliers affectés à une activité professionnelle qui constitue l’activité principale du redevable ou qui sont mis à disposition d’une société considérée comme un bien professionnel.

L’assiette de cet impôt est clairement indiquée à l’article 965 du Code général des Impôts qui dispose : «Lassiette de limpôt sur la fortune immobilière est constituée par la valeur nette au 1er janvier de lannée : 1° De lensemble des biens et droits immobiliers appartenant aux personnes mentionnées à larticle 964 ainsi quà leurs enfants mineurs, lorsquelles ont ladministration légale des biens de ceux-ci ; 2° Des parts ou actions des sociétés et organismes établis en France ou hors de France appartenant aux personnes mentionnées au 1° du présent article, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement par la société ou l’organisme».

Les taux d’imposition sont, eux, prévus à l’article 977 du Code général des Impôts : «1. Le tarif de limpôt est fixé à : Fraction de la valeur nette taxable du patrimoine : tarif applicable (en pourcentage). Nexcédant pas 800000 : 0 ; supérieure à 800000 et inférieure ou égale à 1300000 : 0,50 ; supérieure à 1300000 et inférieure ou égale à 2570000 : 0,70 ; supérieure à 2570000 et inférieure ou égale à 5000000 : 1 ; supérieure à 5000000 et inférieure ou égale à 10000000 : 1,25 ; supérieure à 10000000 : 1,50. 

 Pour les redevables dont le patrimoine imposable a une valeur nette taxable égale ou supérieure à 1300000 et inférieure à 1400000 , le montant de limpôt calculé selon le tarif prévu au tableau du 1 est réduit dune somme égale à 17500 -1,25 % P, où P est la valeur nette taxable du patrimoine».Le seuil de taxation de l’IFI est donc fixé à 1,3 million d’euros.

Nous nous concentrerons, dans un second temps, sur l’impact de la réforme de l’ISF, sur le régime des nus-propriétaires, nouveauté majeure avec cet impôt sur la fortune immobilière.

Pour la résolution de vos problèmes relatifs de succession, nos avocats sont disposés à vous aider.

Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63
ou remplissez le formulaire en cliquant sur le lien

II. La réforme du régime des nus-propriétaires avec l’impôt sur la fortune immobilière

La nue-propriété se définit comme étant le fait de posséder un bien ou un droit. Pour comprendre ce qu’est la nue-propriété, il est possible de dire que : «la différence entre l’usufruit, la nue-propriété et la pleine propriété tient aux droits plus ou moins importants sur un bien.

La pleine propriété est composée de l’usufruit et de la nue-propriété. Les attributs du droit de propriété (occuper un bien, le vendre, en percevoir les revenus) peuvent être répartis entre lusufruitier et le nu-propriétaire. On parle dans ce cas de démembrement du droit de propriété».

Le propriétaire n’aura donc pas la jouissance du bien qu’il possède. Cette jouissance sera conférée à une autre personne, appelée usufruitier. Cette situation était déjà réglementée par l’impôt de solidarité sur la fortune et l’est également avec l’impôt sur la fortune immobilière. La gestion de ce démembrement de propriété diffère, cependant, avec l’IFI.

ISF et démembrement de propriété. Avec l’ISF, le nu-propriétaire n’était pas assujetti au paiement de l’impôt. C’était alors plutôt l’usufruitier qui l’était. Cela s’expliquait par le fait que l’usufruitier devait à terme, disposer de la pleine propriété. Il devait ainsi être considéré comme seul propriétaire.

Il existait toutefois des exceptions pour lesquelles l’usufruitier et le nu-propriétaire présentaient séparément la valeur de leur droit respectif dans leur déclaration d’ISF. C’était notamment le cas de l’usufruit légal recueilli au décès du conjoint. Ce cas n’était cependant applicable qu’au décès intervenu avant le 1er juillet 2002. Il en était de même, lorsque le démembrement résultait de la vente d’un bien dont le vendeur se réservait l’usufruit.

IFI et démembrement de propriété. Lorsqu’il y a démembrement de propriété, on observe qu’avec l’IFI les biens imposables grevés d’un usufruit sont compris dans le patrimoine de l’usufruitier pour leur valeur en pleine propriété. Cette règle est fidèle à celle qui était en vigueur pour l’ISF.

L’usufruitier devra donc toujours s’acquitter de l’impôt portant sur sa part de propriété. Toutefois, diverses exceptions conduisent à inclure ces biens dans les patrimoines respectifs du nu-propriétaire et de l’usufruitier. Ces exceptions inversent donc le principe et désignent l’assujetti comme n’étant plus l’usufruitier, mais le nu-propriétaire. La répartition est alors fonction de proportions, fixées par la loi, selon l’âge de l’usufruitier.

Ainsi, désormais, l’article 669 du Code général des Impôts prévoit un barème qui présente les taux applicables en fonction de l’âge et la part détenue. Ainsi, la valeur de l’usufruit décroît de 90 % à 10 % tous les dix ans, tandis que la valeur de la nue-propriété croit tous les dix ans. Il s’agit en fait d’un mouvement inverse.

L’article précise également que « Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il n’est tenu compte que des usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété. II. – L’usufruit constitué pour une durée fixe est estimé à 23 % de la valeur de la propriété entière pour chaque période de dix ans de la durée de l’usufruit, sans fraction et sans égard à l’âge de l’usufruitier ».

L’imposition est ainsi répartie entre l’usufruitier et le nu-propriétaire à proportion de la valeur respective de l’usufruit et de la nue-propriété. Cette valeur de l’usufruit et de la nue-propriété est définie par la loi selon l’âge de l’usufruitier. Le nu-propriétaire pourra alors être redevable d’une valeur du bien immobilier allant de 10 % à 90 % selon l’âge de l’usufruitier viager. Cela concerne ainsi la nue-propriété légale.

Sont donc visés les démembrements de propriété résultant des articles 757 du Code civil (droits du conjoint successible), 1094 du Code civil (droits liés au mariage) et 1098 du Code civil (cas des couples remariés avec enfants d’une précédente relation). Le montant de l’imposition des contribuables sera différent selon l’origine de l’usufruit.

Lorsque la constitution de l’usufruit n’est pas légale, l’imposition pèsera entièrement sur l’usufruitier. C’est le cas des usufruits qui sont issus de la volonté de plusieurs personnes, exprimée dans un contrat. On parle alors d’usufruit contractuel.

Au final, la réforme de l’ISF a eu un grand impact sur les démembrements de propriété puisqu’il redéfinit la répartition du paiement de l’impôt et modifie l’assujetti. Désormais, donc nu-propriétaire et usufruitier devront s’acquitter tous deux de l’impôt sur la fortune immobilière, avec une répartition croisée en fonction de l’âge.

Il faudra donc veiller, lors de la création d’un usufruit contractuel, à bien prendre cet élément en compte. Cet élément ne sera pas non plus à négliger dans le cas d’un démembrement légal, et il faudra penser à mettre fin à ce démembrement si le paiement de l’impôt s’avérait trop lourd. Il est conseillé de se rapprocher d’un avocat pour étudier au mieux les différentes options qui s’offrent à vous.

SOURCES :
ARTICLE 757 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006431087
PRÉSENTATION DE L’IFI : https://www.compagnie-fiduciaire.com/nos-solutions-et-services/fiches-conseils/comprendre-sa-fiscalite/impot-sur-la-fortune-immobiliere-ifi-definition-calcul-declaration/
PROJET DE LOI DE FINANCES Nº 235 POUR 2018 : http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl0235.asp
PRÉSENTATION DE LA NUE-PROPRIÉTÉ : https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F33076
IFI: GARE À LA NOUVELLE IMPOSITION DE L’USUFRUITIER ET DU NU-PROPRIÉTAIRE EN 2018 : http://leparticulier.lefigaro.fr/jcms/p1_1708798/ifi-gare-a-la-nouvelle-imposition-de-l-usufruitier-et-du-nu-proprietaire-en-2018
ARTICLE 669 DU CODE GÉNÉRAL DES IMPÔTS : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006310173/
ARTICLE 1094 DU CODE CIVIL : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006435789
ARTICLE 1098 DU CODE CIVIL : HTTPS://WWW.LEGIFRANCE.GOUV.FR/CODES/ARTICLE_LC/LEGIARTI000006435467/

Cet article a été rédigé pour offrir des informations utiles, des conseils juridiques pour une utilisation personnelle, ou professionnelle.

Il est mis à jour régulièrement, dans la mesure du possible, les lois évoluant régulièrement. Le cabinet ne peut donc être responsable de toute péremption ou de toute erreur juridique dans les articles du site.

Mais chaque cas est unique. Si vous avez une question précise à poser au cabinet d’avocats, dont vous ne trouvez pas la réponse sur le site, vous pouvez nous téléphoner au 01 43 37 75 63.

Commentaires fermés.