Funérailles : jusqu’où vont les devoirs des sociétés funéraires ?
La mort d’un proche représente un moment de vulnérabilité extrême pour les familles, qui doivent pourtant, dans un laps de temps très court, organiser des obsèques, choisir des prestations, et signer des contrats engageants financièrement et émotionnellement.
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C’est dans ce contexte délicat que le législateur a strictement encadré l’activité des opérateurs funéraires, afin de garantir la transparence des pratiques, la loyauté des démarches commerciales et le respect de la dignité due aux personnes décédées et à leurs proches.
Les obligations des sociétés funéraires trouvent leur source dans le Code général des collectivités territoriales (CGCT), notamment aux articles L. 2223-1 et suivants, qui définissent les missions relatives aux funérailles, à la gestion des cimetières, au transport des corps et au service extérieur des pompes funèbres (1)
La réglementation impose également la mise à disposition d’un devis normalisé, selon le modèle fixé par l’arrêté du 23 août 2010, afin de prévenir les abus et garantir une réelle possibilité de comparaison entre opérateurs.
L’objectif est de protéger les familles en deuil, notamment contre :
- les pratiques commerciales trompeuses, sanctionnées par le Code de la consommation,
- les facturations abusives,
- les clauses contractuelles déséquilibrées,
- l’absence d’information préalable sur les prestations obligatoires et facultatives.
À ces obligations légales s’ajoutent des obligations contractuelles (bonne exécution des prestations commandées, respect des délais, conformité aux demandes de la famille) et délictuelles (responsabilité pour faute en cas de dommages causés au défunt, au cercueil, ou à la famille).
Les opérateurs funéraires sont donc soumis à un régime de responsabilité complète :
- responsabilité civile,
- responsabilité administrative, lorsqu’ils opèrent sous délégation de service public,
- responsabilité pénale, en cas d’atteinte à l’intégrité du corps, d’escroquerie ou d’abus de faiblesse.
L’encadrement juridique visant à protéger les familles est d’autant plus essentiel que le secteur funéraire est souvent confronté à des problématiques éthiques majeures, comme les dérives tarifaires, les ventes forcées, les pressions psychologiques, ou encore le manque de transparence sur les prestations réellement nécessaires.
Ainsi, les obligations et responsabilités des sociétés funéraires reposent sur un double impératif :
- Assurer une transparence et une loyauté irréprochables lors de la contractualisation ;
- Garantir un respect absolu de la dignité du défunt et des proches lors de l’exécution matérielle des prestations.
I. Un encadrement strict des obligations légales et contractuelles des opérateurs funéraires
A. L’obligation d’information et de transparence envers les familles
Les sociétés funéraires ont l’obligation fondamentale d’informer la famille de manière claire, complète et loyale avant toute conclusion de contrat.
Cette exigence s’inscrit dans le cadre du droit commun de l’information précontractuelle (art. L.111-1 du Code de la consommation) (2)
Dans le domaine funéraire, cette obligation est renforcée par un dispositif spécifique destiné à protéger les familles en deuil, souvent vulnérables face à la pression émotionnelle.
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Le devis normalisé, obligatoire et détaillé
L’arrêté du 23 août 2010 impose aux opérateurs funéraires de fournir un devis normalisé, qui doit être :
- remis gratuitement,
- sans engagement,
- extrêmement détaillé,
- permettant une comparaison facile entre prestataires.
Ce devis doit distinguer :
- les prestations obligatoires,
- les prestations facultatives,
- les frais administratifs,
- les taxes,
- les prestations externalisées.
Cette obligation vise à lutter contre les pratiques commerciales agressives ou trompeuses (articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation) (3)
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L’obligation de conseil
Les sociétés funéraires doivent aussi orienter les familles vers les prestations adaptées à leurs besoins et à leur budget, sans chercher à imposer des options superflues.
La jurisprudence sanctionne ainsi sévèrement :
- les ventes forcées,
- les prestations dissimulées,
- la mise en avant abusive de services prétendument obligatoires.
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L’information sur le respect des volontés du défunt
La volonté du défunt concernant ses funérailles est primordiale dans le droit français. Celle-ci peut être exprimée de diverses manières :
- Par testament : le document peut contenir des dispositions précises sur l’organisation des obsèques.
- Par contrat obsèques : souscrit auprès d’une entreprise de pompes funèbres, il permet de prévoir et de financer à l’avance ses funérailles.
- Par simple écrit : une lettre ou un document daté et signé peut suffire à exprimer ses volontés.
Cependant, certaines limites s’imposent à la liberté du choix. Par exemple, la dispersion des cendres en pleine nature est autorisée, mais elle doit être déclarée à la mairie du lieu de naissance du défunt. De même, la conservation des cendres à domicile n’est plus autorisée depuis la loi du 19 décembre 2008.
Il est crucial de noter que les volontés du défunt doivent être respectées dans la mesure où elles ne contreviennent pas à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par exemple, une demande de rapatriement du corps à l’étranger doit suivre des procédures spécifiques et obtenir les autorisations nécessaires.
Les sociétés funéraires sont tenues de s’assurer :
- de la volonté du défunt (inhumation, crémation, cérémonie…),
- de son respect strict, même contre l’avis d’une partie de la famille.
B. L’obligation de respecter la dignité du défunt et des familles
Le respect de la dignité humaine constitue un principe fondamental, inscrit dans l’article 16 du Code civil (4)
Dans le secteur funéraire, il implique :
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Le respect du corps
Toute atteinte à l’intégrité du corps est pénalement sanctionnée (articles 225-17 et 225-18 du Code pénal).
Les sociétés funéraires doivent donc assurer :
- la conservation du corps dans des conditions adaptées,
- le transport dans le respect des règles sanitaires,
- les soins de thanatopraxie réalisés par un professionnel habilité.
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Le respect des rites, cultures et religions
L’opérateur doit respecter les convictions du défunt et de la famille :
- rites religieux (catholiques, musulmans, juifs, autres),
- souhaits de cérémonie,
- interdictions spécifiques (interdiction d’embaumement, etc.).
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Le respect de la vie privée et des données personnelles
Les sociétés funéraires traitent des données sensibles :
- informations sur le décès,
- données médicales,
- informations familiales,
- volontés funéraires.
Elles sont soumises au RGPD et au respect du secret professionnel. (5)
II. La responsabilité des sociétés funéraires en cas de manquement
A. La responsabilité contractuelle : inexécution ou mauvaise exécution du contrat funéraire
Le contrat conclu avec la famille est un contrat d’entreprise, au sens des articles 1710 et suivants du Code civil (6)
Tout manquement engage la responsabilité contractuelle du prestataire.
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Retard dans l’exécution des funérailles
Exemples de fautes contractuelles : cercueil livré en retard, cérémonie mal organisée, absence de personnel prévu, les personnes décédées doivent être traités avec respect, dignité et décence (7)
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Défaut de conformité des prestations
La famille peut obtenir réparation en cas de : cercueil non conforme, fleurs, capitons ou accessoires manquants, lieu de cérémonie différent de celui prévu. La jurisprudence administrative et civile rappelle l’obligation de conformité et réparation du préjudice subi (8)
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Mauvaise gestion administrative
Les opérateurs funéraires doivent accomplir les formalités (dépôt des dossiers de crémation, déclarations en mairie, réservation de crématorium) avec diligence ; la faute administrative pouvant constituer une inexécution contractuelle et produire un préjudice moral (9)
B. La responsabilité délictuelle : atteinte au corps, fautes graves ou pratiques abusives
Indépendamment du contrat, les sociétés funéraires peuvent engager leur responsabilité délictuelle dans des cas plus graves.
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Atteinte au corps du défunt
La jurisprudence rappelle que le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort (article 16-1-1 Code civil) et que la perte, l’erreur de cercueil, la crémation d’un corps mal identifié ou la mauvaise conservation sont susceptibles d’engager la responsabilité civile (et parfois pénale). (10)
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Pratiques commerciales trompeuses ou abus de faiblesse
Les comportements visant à exploiter la vulnérabilité des personnes en deuil (abus de faiblesse, harcèlement commercial dans les établissements de santé, orientation forcée) peuvent donner lieu à des poursuites pénales (abus de faiblesse, escroquerie) et à réparation civile. La Cour de cassation et la chambre criminelle ont récemment précisé les éléments constitutifs de l’abus faiblesse. (11) Les opérateurs funéraires n’en sont pas épargnés (12).
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Responsabilité en cas de manquement éthique grave
Facturation fictive, vols d’effets personnels du défunt, absence de respect envers la famille. Ces manquements peuvent entraîner des sanctions civiles, pénales et disciplinaires (perte d’habilitation). La jurisprudence administrative et civile juge sévèrement quand la dignité du défunt ou la confiance des familles est violée. (13)
Les sociétés funéraires sont soumises à un encadrement juridique rigoureux destiné à protéger les familles en deuil contre les abus, les défauts d’information, les pratiques commerciales trompeuses et les atteintes à la dignité du défunt.
Elles doivent respecter des obligations légales précises, des obligations contractuelles fortes et un devoir éthique essentiel. Le non-respect de ces obligations engage leur responsabilité, qu’elle soit contractuelle, délictuelle ou pénale.
Sources :
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000019983164
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044142438
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000032227301/2025-11-16
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000006419320
- https://www.cnil.fr/fr/rgpd-de-quoi-parle-t-on
- https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000006442681
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000022826393
- https://www.resonance-funeraire.com/magazine/reglementation/5767-la-responsabilite-contractuelle-des-operateurs-funeraires…
- https://www.afif.asso.fr/francais/conseils/conseil46.html?utm
- https://www.courdecassation.fr/en/decision/5fca8c5e7c06047eb3833765
- https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000048990941
- cour-d’appel_n%C2%B02103658_19_01_2024.pdf
- https://www.resonance-funeraire.com/magazine/reglementation/5767-la-responsabilite-contractuelle-des-operateurs-funeraires…
