Comment casser une indivision ?
Lorsqu’il y a plusieurs héritiers, ou héritiers et légataires, une indivision existe entre ces derniers : on parle d’indivision successorale. Là aussi, c’est à la date d’ouverture de l’ouverture de la succession que commence l’indivision successorale, et elle ne prendra fin qu’au moment du partage entre les héritiers et légataires.
Une indivision correspond à une situation dans laquelle se trouvent des héritiers qui deviennent collectivement propriétaires d’un patrimoine ou d’un bien. Toutefois, devenir propriétaire d’un tel bien ou patrimoine peut sembler contraignant pour certains héritiers. En effet, l’indivision n’est pas quelque chose de toujours facile à gérer.
S’agissant des indivisions successorales, on dit souvent qu’elles sont encore plus complexes à gérer, le nombre d’indivisaires peut être considérable et des ententes doivent se nouer entre co-indivisaires. Afin de remédier à ces problèmes d’indivision, le Code civil prévoit, en son article 815, que : « nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention ».
La question de savoir comment casser une indivision se pose souvent au niveau successoral, car chacun des héritiers est, de facto, propriétaire d’une fraction de l’ensemble des biens transmis par le de cujus.
Plusieurs moyens existent pour rompre une indivision. La rupture de l’indivision pourra se faire de manière amiable ou par voie judiciaire. Un partage relativement forcé, de la part des indivisaires les plus importants, peut également avoir lieu. Cependant, dans un cadre purement successoral, il faut noter que la rupture de l’indivision aura lieu avec le partage. De plus, il faut, noter que casser une indivision nécessitera l’intervention d’un avocat ou encore, celle d’un juge. Casser une indivision fait, en effet, partie des missions d’un avocat en droit des successions.
I. Le recours à un avocat pour casser une indivision
Au moment du décès de leurs ascendants, les héritiers deviennent collectivement propriétaires de leur patrimoine, s’il n’avait pas été procéder, du vivant du de cujus, à un partage. Cette situation est appelée l’indivision : c’est le fait d’être collectivement propriétaire d’un bien. Néanmoins, l’indivision peut être conventionnelle ou encore liée au mariage.
Peu importe le cadre dans lequel l’indivision pourra être rencontrée, elle peut entraîner, pour le ou les indivisaires, des difficultés. Ces difficultés peuvent être de plusieurs ordres, notamment du fait de l’absence de facultés personnelles et entières en tant que propriétaire. On dira ainsi que le co-indivisaire ne peut, par exemple, vendre un bien discrétionnairement, sans l’accord préalable des autres indivisaires.
Pour la résolution de vos problèmes relatifs de succession, nos avocats sont disposés à vous aider. Téléphonez-nous au : 01 43 37 75 63 ou remplissez le formulaire en cliquant sur le lien |
Le maintien d’une indivision peut également créer des problèmes liés à la gestion de plusieurs biens entre eux. Il faut à ce titre citer un arrêt rendu le 12 mai 2021 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, concernant le maintien d’une indivision comme servitude d’un fond attaché à un bien indivis, après partage (Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 01 ch. 05. 12 mai 2021 / n° 18/10981).
Suivant les prescriptions de l’article 815 du Code civil, précité, il est possible de mettre fin à l’indivision à tout moment. Cette disposition, bien qu’aisément compréhensible, revêt en réalité une multitude d’actions pouvant conduire à la rupture de l’indivision : vente des droits, vente des biens, décès des indivisaires …
Il ne peut alors être trop recommandé de faire appel à un avocat spécialiste du droit des successions pour accompagner la rupture d’une indivision. L’avocat sera à même de prodiguer des conseils à son client et mettre en place une stratégie permettant, au mieux, de protéger les droits du co-indivisaire. La nécessité du recours à l’avocat est renforcée par l’accroissement des règles procédurales devant le tribunal judiciaire, qui complique encore la mise en place d’une action judiciaire.
II. Moyens et méthodes pour casser une indivision
La rupture d’une indivision peut être mise en place par le biais de plusieurs actions qui peuvent être judiciaires ou non.
A) Vente des droits
La première méthode pour casser une indivision consiste en la vente de ses droits, à des tiers comme aux autres co-indivisaires. Suivant le cadre général posé par l’article 815 du Code civil, il est ainsi possible de vendre ses droits à un co-indivisaire de la même succession.
Cette opération devra être effectuée auprès d’un notaire, seul habilité en la matière. Dans le cas où l’ensemble des parties est d’accord sur le montant des parts, la transaction est relativement simple. En cas de désaccord des parties à la cession, notamment sur le prix, un expert pourra être désigné. L’expert peut être proposé par les avocats ou par le notaire, afin d’endiguer des conflits.
À côté de cette première option, existe la cession des droits à un tiers. Comme le met en valeur un arrêt du 25 mars 2021 rendu par la Cour d’appel de Bordeaux, le tiers est défini comme toute personne étrangère à l’indivision. Il pourra même s’agir d’une personne de la famille du cessionnaire, mais non partie à l’indivision (Cour d’appel de Bordeaux – ch. civile 02 – 25 mars 2021 / n° 18/01924). Cette possibilité donne, cependant, lieu à un droit de préemption par les autres co-indivisaires.
L’article 815-14 du Code civil prévoit ainsi que : « l’indivisaire qui entend céder, à titre onéreux, à une personne étrangère à l’indivision, tout ou partie de ses droits dans les biens indivis ou dans un ou plusieurs de ces biens est tenu de notifier par acte extrajudiciaire aux autres indivisaires le prix et les conditions de la cession projetée ainsi que les nom, domicile et profession de la personne qui se propose d’acquérir.
Tout indivisaire peut, dans le délai d’un mois qui suit cette notification, faire connaître au cédant, par acte extrajudiciaire, qu’il exerce un droit de préemption aux prix et conditions qui lui ont été notifiés. En cas de préemption, celui qui l’exerce dispose pour la réalisation de l’acte de vente d’un délai de deux mois à compter de la date d’envoi de sa réponse au vendeur.
Passé ce délai, sa déclaration de préemption est nulle de plein droit, quinze jours après une mise en demeure restée sans effet, et sans préjudice des dommages-intérêts qui peuvent lui être demandés par le vendeur. Si plusieurs indivisaires exercent leur droit de préemption, ils sont réputés, sauf convention contraire, acquérir ensemble la portion mise en vente en proportion de leur part respective dans l’indivision. Lorsque des délais de paiement ont été consentis par le cédant, l’article 828 est applicable ».
Il faudra donc, avant d’entamer une telle vente, notifier par voie d’huissier les autres indivisaires, qui pourront être les autres héritiers, en mentionnant le nom de la personne souhaitant acquérir les partis, l’adresse de son domicile ainsi que sa profession. Un héritier pourra alors s’opposer à cette vente et racheter les parts en question.
Ce droit de préemption des indivisaires permet d’éviter les conflits au sein d’une indivision, et dans le cadre successoral, cela est la conséquence de la volonté par le législateur de permettre la conservation des biens dans la famille.
B) Vente des biens
Il est également possible de casser l’indivision en vendant le bien indivis seul ou à plusieurs.
Le Code civil prévoit, en effet, à l’article 815-5-1 que : « sauf en cas de démembrement de la propriété du bien ou si l’un des indivisaires se trouve dans l’un des cas prévus à l’article 836, l’aliénation d’un bien indivis peut être autorisée par le tribunal de grande instance, à la demande de l’un ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis, suivant les conditions et modalités définies aux alinéas suivants.
Le ou les indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis expriment devant un notaire, à cette majorité, leur intention de procéder à l’aliénation du bien indivis. Dans le délai d’un mois suivant son recueil, le notaire fait signifier cette intention aux autres indivisaires. Si l’un ou plusieurs des indivisaires s’opposent à l’aliénation du bien indivis ou ne se manifestent pas dans un délai de trois mois à compter de la signification, le notaire le constate par procès-verbal.
Dans ce cas, le tribunal judiciaire peut autoriser l’aliénation du bien indivis si celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires. Cette aliénation s’effectue par licitation. Les sommes qui en sont retirées ne peuvent faire l’objet d’un remploi sauf pour payer les dettes et charges de l’indivision.
L’aliénation effectuée dans les conditions fixées par l’autorisation du tribunal de grande instance est opposable à l’indivisaire dont le consentement a fait défaut, sauf si l’intention d’aliéner le bien du ou des indivisaires titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis ne lui avait pas été signifiée selon les modalités prévues au troisième alinéa ».
Attention, un arrêt du 20 novembre 2019 est venu préciser la procédure de vente des biens, notamment s’agissant du délai à respecter.
Cet arrêt prévoit ainsi que : « le dépassement du délai d’un mois prévu par l’art. 815-5-1, al. 3, pour signifier l’acte par lequel certains indivisaires ont exprimé leur intention de vendre l’immeuble indivis, est indifférent, dès lors que ce délai n’est assorti d’aucune sanction, que la signification avait été effective et que l’intéressé avait disposé de trois mois pour manifester son opposition avant l’établissement du procès-verbal par le notaire, conformément aux prescriptions de l’al. 4 du même texte » (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 novembre 2019, 18-23.762, publié au bulletin).
En somme, pour se faire il faudra détenir au moins deux tiers des parts. Cette majorité peut être atteinte par une seule personne ou par un groupe de co-indivisaires. Il faudra également une autorisation du tribunal judiciaire et l’intervention d’un notaire. Pour que l’aliénation soit valable, il faut également que celle-ci ne porte pas une atteinte excessive aux droits des autres indivisaires, autres héritiers dans le cadre d’une indivision successorale.
C) Partage amiable
Une troisième possibilité pour rompre une indivision existe. Il s’agit du partage amiable. Le partage amiable se présente comme la manière la plus aisée et la mieux acceptée des ruptures d’invasion. L’article 835 du Code civil dispose ainsi en son premier alinéa, que : « si tous les indivisaires sont présents et capables, le partage peut intervenir dans la forme et selon les modalités choisies par les parties ».
Le site service-public.fr précise qu’il s’agit de l’acte : « qui met fin à l’indivision : chaque héritier reçoit sa part d’héritage et en devient propriétaire de façon individuelle. Le partage des biens peut être réglé de manière amiable ou judiciaire (en cas de mésentente entre les héritiers) ».
Une jurisprudence établie précise que : « l’acceptation tacite du projet de partage établi par un notaire caractérise l’existence d’un partage définitif dont le seul comportement d’une partie (versement d’une fraction seulement de la soulte) n’a pu entraîner la résolution » (Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 13 octobre 1993, 91-20.511, publié au bulletin).
D) Ultime solution : la voie judiciaire
Enfin, il est possible de casser une indivision par voie judiciaire. La rupture de l’indivision pourra alors prendre plusieurs formes. Celle-ci pourra ainsi prendre la forme d’une représentation judiciaire.
Prévue par l’article 815-4 alinéa 1er du Code civil cet article dispose que : « si l’un des indivisaires se trouve hors d’état de manifester sa volonté, un autre peut se faire habiliter par justice à le représenter, d’une manière générale ou pour certains actes particuliers, les conditions et l’étendue de cette représentation étant fixées par le juge ».
Dans ce cas, un autre indivisaire pourra saisir le tribunal judiciaire pour être habilité à représenter celui qui est hors d’état de manifester sa volonté. Pour cette demande, le tribunal judiciaire devra autoriser ladite représentation dans l’étendue qui lui semble souhaitable (un ou plusieurs actes particuliers). Cette solution n’en est en réalité pas vraiment une.
Elle ne permet pas, en effet, de forcer un partage, mais seulement de représenter une personne ne pouvant exprimer valablement son point de vue. En somme, l’un des indivisaires va donner son consentement à la place de celui qui est empêché ou ne peut pas. Ce dernier aura toutefois la qualité de partie à l’acte.
D’autre part, des autorisations judiciaires permettent de se dispenser du consentement d’un indivisaire, sans que celui-ci ne soit représenté. Il s’agit ici d’un acte qui contraint un des co-indivisaires. Cette action est cependant subordonnée à la réunion de conditions strictes. Cela rend la sortie plus facile.
Plusieurs articles prévoient cela. Les articles 815-5 à 815-7 du Code civil prévoient la faculté de demander au juge judiciaire, l’autorisation de conclure un acte sans le consentement d’un indivisaire, si celui-ci met en péril l’intérêt commun dans son refus ou dans son silence. Le péril doit être nécessaire : « l’autorisation judiciaire prévue а l’art. 815-5 exige la preuve préalable que le refus opposé par l’un des indivisaires met en péril l’intérêt de ous les co-indivisaires, et pas seulement que l’opération projetée est avantageuse » (Paris, 25 janv. 1983: Gaz. Pal. 1983. 1. 190; RTD civ. 1984. 135, obs. Patarin). L’appréciation du péril est fonction de l’interprétation souveraine des juges du fond.
Le second cas de figure relève du pouvoir du Président du tribunal judiciaire, qui a la faculté d’ordonner, par ordonnance motivée, une mesure urgente requise par l’intérêt commun. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire que l’un des indivisaires s’y oppose, il est seulement nécessaire d’établir le caractère urgent de la mesure, visant à préserver les biens indivis. Il pourra s’agir d’interdire le déplacement de certains biens (article 815-7 du Code civil), de faire nommer un séquestre (815-7 du Code civil) qui permet la vente d’un bien indivis en cas de mesure urgente.
E) Licitation
Enfin, la sortie d’une indivision est possible via licitation. La licitation est une vente aux enchères du bien et un partage par la vente des droits, est également possible. Un partage judiciaire simple et sans licitation reste toutefois également possible.
À cet effet, l’article 1377 du nouveau Code de Procédure civile précise que : « le tribunal ordonne, dans les conditions qu’il détermine, la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués. La vente est faite, pour les immeubles, selon les règles prévues aux articles 1271 à 1281 et, pour les meubles, dans les formes prévues aux articles R. 221-33 à R. 221-38 et R. 221-39 du code des procédures civiles d’exécution ».
III. Compétence judiciaire
Dans le cadre d’une action judiciaire visant à rompre une indivision, il est important d’explorer la question de la compétence judiciaire. En effet, seul le tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession, sera compétent pour être saisi par l’assignation d’un héritier.
En la matière, la représentation par un avocat est obligatoire. L’article 841 du Code civil prévoit, en effet : « Le tribunal du lieu d’ouverture de la succession est exclusivement compétent pour connaître de l’action en partage et des contestations qui s’élèvent soit à l’occasion du maintien de l’indivision soit au cours des opérations de partage. Il ordonne les licitations et statue sur les demandes relatives à la garantie des lots entre les copartageants et sur celles en nullité de partage ou en complément de part ».
Un notaire sera alors chargé de suivre les opérations de liquidation et de partage, d’établir un acte de partage ou un procès-verbal relatant les difficultés en cas de contestation, ou consignant le résultat des opérations dans un état liquidatif soumis à l’homologation du tribunal judiciaire.
SOURCES :
Dictionnaire de Droit privé – Indivision : https://www.dictionnaire-juridique.com/definition/indivision.php
Cour d’appel d’Aix-en-Provence – Pôle 01 ch. 05 12 mai 2021 / n° 18/10981 : https://www-dalloz-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/documentation/Document?id=CA_AIXENPROVENCE_2021-05-12_1810981
Cour d’appel de Bordeaux – ch. civile 02 – 25 mars 2021 / n° 18/01924 : https://www-dalloz-fr.ezpaarse.univ-paris1.fr/documentation/Document?id=CA_BORDEAUX_2021-03-25_1801924
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 novembre 2019, 18-23.762, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039437788
Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 13 octobre 1993, 91-20.511, publié au bulletin : https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000039437788